samedi 18 janvier 2014

Revenir sur soi pour éviter de faire du surplace

Reconnaître ses habiletés et ses possibilités
Dans un trajet comme celui du récit de vie émotionnel, il est important de favoriser tout ce qui permet à la personne de reconnaître ses habiletés, ses possibilités. Pour cela, accorder de l’importance à ce qui fonctionne déjà est un précepte qui me sert tout au long de ma relation professionnelle avec un client. Pour coopérer avec la personne, il s’agit de faire de l’accompagnement, de permettre à chacun de créer « ses mouvements », « ses occasions ». L'approche narrative doit répondre aux besoins du participant.

La « carte du monde » a ses clés de compréhension
Comme une personne est beaucoup plus complexe qu’une simple « carte du monde », le langage est la clé, autant dans la compréhension du fonctionnement de l’autre que dans la création d’une intervention créative qui peut devenir un outil qui l'invite au changement.

Le concept de soi ou l’image de soi
David, 46 ans, le cinquième d'une famille de six enfants, emporte avec lui la façon dont il se perçoit. Ce sentiment émane de l’affectif lié aux premières années de son enfance. On nomme ceci le concept de soi ou limage de soi. La sensibilité liée aux caractéristiques de l’environnement de l’enfance constitue le trajet du processus identitaire.   

Témoignage de David

« Puis, à un moment donné, une de mes sœurs…je lui avais donné un coup de pied…je me souviens plus pantoute…elle m’a pas parlé pendant trois ans. Ça ne me dérangeait pas…puis une fois…y avait un devoir que je ne savais pas faire. « Marie, peux-tu m’aider? « Débrouille-toi ». Elle m’a envoyé paître…longtemps… Plus tard…elle avait recommencé à me parler…on était quasiment devenus des adultes…elle était une jeune femme…elle raconte ça…« Une fois, tu m’as donné un coup de pied…je t’ai pas parlé pendant trois ans…c’était ma façon de te punir…Tu te souviens-tu de ça, David? »

La famille comme un refuge
Si la famille reste une préoccupation dominante en même temps qu’une sorte de refuge quand on en a besoin, celle de David se transforme sous ses yeux en endroit où il disparaît.  Selon ce que je comprends, la famille de David ne lui procure pas de repères identitaires bien structurants.

Un projet de naissance
Un jour, David me fait part du « projet de naissance » qu’il a été. Selon sa sœur Ghislaine, il fut reçu « comme un cadeau » par sa mère. Suite à cette confidence, je lui parle de son aptitude à l’intimité en lui disant qu’elle se façonne dès la vie fœtale. En lui faisant remarquer qu’il pourrait se vivre comme une personne digne de l’amour d’autrui, je lui demande ce que ça lui fait comme effet de s’en rappeler maintenant que sa mère est décédée. Pensant qu’à rebours cela pouvait lui faire voir son histoire différemment, je suis quelque peu surprise de l’entendre me dire qu’il n’en aurait rien su si Jean-Pierre, le cadet de la famille, le confident de sa mère ne lui en avait parlé. Il trouve incompréhensible le comportement de sa mère si les paroles de sa sœur sont véridiques. 

David a cessé de se confier à sa mère à l’âge de douze ans quand il lui a présenté un poème pour la fête des mères et qu’elle l’a ridiculisé devant toute la famille.

« Une fois, à l’école, j’avais écrit un poème à la fête des mères sur qu’est-ce que j’allais devenir plus tard. J’avais écrit : « Je veux devenir un grand peintre…je veux exprimer l’espérance. Je montre ça à ma mère, pis, elle a tellement ri, elle a tellement ri… Ma sœur Ghislaine…elle dit : « C’est quoi, cette feuille-là? »…J’ai dit : « C’est rien pantoute». Je déchire la feuille…je la crisse au poubelle… Là, c’est fini…m’man…t’auras plus rien, jamais… ».

Dans l’histoire de David, le silence des parents est une violence plus grande encore que les chicanes et les fessées données par le père, «un vrai fou » selon David. 

« La fois du vol…J’étais avec ma sœur et des amis. J’avais 8 ans peut-être…on est allé au…on a volé toutes sortes de niaiseries…une petite chauve-souris en plastique…plein d’affaires de même. On a mis ça dans une boîte de chaussure. Ma mère tombe sur la boîte de chaussures. « Qu’est-ce que c’est ça »? « Qu’est-ce qu’on lui a conté? On avait trouvé ça dans la rue…on l’a ramassé. Après ça, ça a été plus fort que moi…tant pis…si je suis stool…je suis allé le dire à maman…j’aurais pas dû lui dire. 
Elle nous parlait plus du tout. Comme de fait, y avait l’émission de Janette Bertrand : « Quelle famille! ». Cette fin de semaine-là, on écoute…pis les enfants ont volé quelque chose…pis les parents…c’est la crise. Je me sentais-tu mal? Comme ma mère…On avait plus besoin d’en parler…On en a plus jamais parlé.
Y a tellement de choses qui n’ont jamais été dites chez nous. Ma mère, elle aurait pu poigner les nerfs, puis dire : « Vous allez reporter tout ça au magasin ». Y avait rien…horrible …que le silence. Je pense que c’est pour ça aujourd’hui…de ne pas savoir…T’sé…on en avait parlé l’autre semaine…c’est tellement fatigant…là, je ne savais rien. « Qu’est-ce qui se passe dans la tête de ma mère? Je suppose qu’elle est en tabernacle…Ça va pas bien…mais y arrive rien…Y arrive jamais rien. J’ai la chienne…on sait jamais…quand papa va exploser. Ça fait trois jours qu’on a dit ça… y a pas explosé encore. Y explose pas ».

La qualité de son image de soi, renvoyée par autrui, tout autant que des modes relationnels établis avec l’environnement familial pour tenter de s’y insérer affectivement au mieux, va structurer le caractère de David et éventuellement ses troubles affectifs. Sa santé brimée lui vaudra bien des sobriquets dans sa famille d'origine; il en est blessé.

« ...Je coure tout le temps.  J’ai  une poignée dans le dos, ça, c’est sûr…c’est nerveux. Des  fois, je suis tellement bien…En gang, timide…en même temps…là, on fait des courses, c’est toujours moi qui gagne. Je vois des situations… Je me sens …d’une énergie…je suis débordant…en même temps, je suis très, très nerveux,  j’ai peur de déranger du monde…mettons, du monde que je connais…j’ai peur de déranger…mes parents…que je ne comprends pas…
C’est facile d’être heureux, mais je peux juste l’être tout seul et ça je trouve ça plate… Je suis plein de vie…la course m’aide beaucoup à satisfaire ça. Me promener dans les champs…exubérance…je me situe. Aussitôt qu’y a du monde, je me sens mal, parce que je sais plus si je dérange… Quand j’ai du fun, il me semble que je suis tout le temps tout seul…c’est difficile…dans un contexte précis…j’espère que personne va me parler… C’est le seul temps où je suis tranquille. Je ne sens pas qu’y a du vrai bonheur quand je suis petit… »..

Le sentiment identitaire à la base de la différentiation avec les autres
La permanence, la différentiation, la reconnaissance sont les composantes de base actives dans le sentiment identitaire et à partir duquel va s’opérer la perception de soi par soi. Or, pour David, celle-ci est traversée par deux sortes de jugements, soit le jugement interne de David dans sa peur de déranger, soit le jugement externe provenant d’autrui à l’effet qu’il dérange effectivement.

Rechercher un sentiment d’appartenance
David, de son propre aveu, est un homme qui aime les petites provocations pour se faire reconnaître comme « différent ». Cette double appréciation interne/externe différencie l’identité personnelle de l’identité sociale pour donner lieu à un sentiment d’appartenance. L’identité octroyée se concrétise dans la reconnaissance délivrée par la société, ce que David cherche à travers sa demande d’être « crédible » aux yeux des autres. Ce sera une demande que j’entendrai souvent au cours des semaines.

« Me crois-tu? As-tu confiance que je vais faire ce que je dis que je veux faire? »

Le principe du préjugé favorable
Le récit de David en est un où ce qui a prévalu a été la primauté de la personne (Corin, E, Bibeau, Martin et Laplante, 1990), favorisant un cheminement personnel basé sur principe du préjugé favorable envers la personne, principe qui se distingue du concept du meilleur intérêt.

Le dialogue, conçu comme un contexte de par la présence d’au moins lui et moi, intègre la confiance, la fiabilité, un rapport clair et sain qui représente un pivot capital dans notre rapport pour que son « récit » soit un succès pour lui.   En le respectant comme personne, en allant à son rythme, en ponctuant les rencontres de rituels qui à la longue ont été aussi importants pour moi que pour lui, la démarche lui donne une identité narrative, ce qu’il dit avoir beaucoup aimé. Il est devenu important à ses yeux de « se dire », il aime s’entendre se dire également.

Je comprends très tôt dans nos rencontres que son mode relationnel est de puiser la certitude d’exister dans le regard et les attitudes des autres. À partir de la qualité de l’image de soi que je lui renvoie, tout comme des modes relationnels établis avec son environnement privilégié, il tente de s’insérer affectivement, parfois en provoquant mais surtout en affrontant courageusement sa solitude sans la laisser se transformer en angoisse névrotique. Il a des liens forts avec une personne, une femme qu’il a rencontrée dans un événement particulier. David est un participant sensible et touchant. Il est  attachant et sa candeur est rafraîchissante.

Aller de l’implicite à l’explicite
Le discours lyrique de David revient souvent à un symbole d« jeu de billes ». Pour aller de l’implicite à l’explicite, c’est le symbole qui démontre sa capacité d’agir sur sa vie au quotidien.  Il est important pour lui de confronter sa peur de l’inconnu (phobie sociale) et d’entrer en dialogue avec elle par l’agir en l’entreprenant « comme une mission ». Pour lui, c’est la même chose pour la dépression, l’accablement et la tristesse. C’est une stratégie qui lui ouvre la porte à des possibilités intéressantes.    

« Pour ceux qui me liront, j’aimerais commencer mon récit en livrant le message suivant : Quoiqu’on ait à faire, qu’on le fasse. On sait tous ce qu’on devrait faire et qu’est ce qui pourrait améliorer le sort de notre vie. On sait tout ça mais on ne le fait pas. On sait, que ce matin, je devrais appeler telle ou telle personne ou poster telle lettre. On a souvent peur de déranger aussi. Mais quand on a affaire avec des professionnels, il faut se dire qu’on ne le dérangera pas. Ils sont payés pour leur travail. Alors on y va, on y va les déranger, c’est ça leur job de se faire déranger. Le monde a pas l’air de catcher ça. Quand tu vas faire réparer ton auto, as-tu peur de déranger le garagiste? C’est ça qu’il a à faire de réparer des autos ». « Donc, si vous avez à poster une lettre, contester une décision, chercher un médecin pour qu’il signe un formulaire, faites-le parce que le pire qui peut arriver c’est de recevoir un non. Ce qui au fond n’a rien de dramatique ». «En ne faisant rien, en ayant peur du refus, du rejet, de tout et de rien, on ne va pas dans le sens de la vie. Et en prime, nous demeurons sans cesse dans le doute. Et si jamais ça avait marché! »
« Si on va jusqu’au bout, et que là rien ne fonctionne, au moins on sera fixé. Et ce doute sera dissipé. On peut avoir une certaine satisfaction d’avoir tout vérifié de ses propres yeux. Vous savez, je dirais que si je n’avais pas bougé, je serais encore dans la merde aujourd’hui. Allez demander de l’aide. Il y a plein de ressources pour vous aider ».

Lui-même a un jour appelé un éminent personnage pour faire entendre sa détresse. À partir de ce jour, la plupart des intervenants qui l’ont appris, l’ont pris plus au sérieux quand il appelait pour aller en psychiatrie dans ses crises d’angoisse. Au moment de son récit de vie émotionnel, cela faisait neuf mois qu’il n’y était pas allé.

Croire le client est un geste choisi
Pour tenter d’améliorer le sort de la vie de toute personne, il faut qu’il ait le sentiment d’en être digne, non seulement à ses yeux, mais aux yeux d’autrui. Croire le client est important : ce n’est pas la vérité vraie que nous devons rechercher, c’est plutôt d’acheter « la parole qu’il est ». Cela lui redonne sa dignité.
  

Message de Lorraine Loranger
Dans une société qui confond vitesse et résultats, ceux qui apprennent à ralentir vivent mieux le présent dans toute sa capacité. Ma pratique propose plusieurs ateliers pour la gestion de stress: apprivoiser le récit de vie, la communication non-verbale et prochainement la relaxation sensorielle avec 16 thèmes différents sont parmi les plus utiles. Des conférences sur la gestion de stress sont disponibles sur demande.

Commencez chaque journée comme étant une nouvelle journée, trouvez votre destinée, croyez en qui vous êtes et en qui vous voulez devenir.

Créez la vie que vous désirez. Commencez votre trajet avec une démarche puissante en possibilités...celle d’une nouvelle vie…la vie que vous voulez…retrouvez votre pouvoir  pour prendre en charge votre destinée. 

Merci de soutenir la mission éducative de Lorraine Loranger  en transférant ce communiqué à vos contacts intéressés.

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